Tainted Love
16 décembre 2017 jusqu'au 04 mars 2018
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Tarif

 

Rita Ackermann, Aude Anquetil, Fabienne Audéoud et John Russell, Sadie Benning, Travis Boyer, Liz Craft, Vava Dudu, Sylvie Fleury, Georg Gatsas, Lise Haller Baggesen, Maria Hassabi, Celia Hempton, Ella Kruglyanskaya, Tarek Lakhrissi, Cécile Paris, Emilie Pitoiset, Eileen Quinlan, Pierre René-Worms, Azzedine Saleck & Apolonia Sokol, Segondurante, Cheyney Thompson, Betty Tompkins, We Are The Painters, Nicole Wermers

«La meilleure définition d'une fonction de l'ego serait la suivante : apprendre à prendre plutôt que désirer. Cela paraît certes possessif et dominateur. Mais, en réalité, ceux qui ont appris à prendre sont plus modestes que ceux qui sont englués dans le narcissisme du désir indéfini. »

Richard Senett, Les Tyrannies de l’intimité, 1979.

Je ne me souviens même pas de la première fois où j'ai entendu ce tube. Le disque tournait dans les discothèques de province où je trainais adolescent. Nous étions entre garçons, cheveux longs ou crânes rasés, cuir sur le dos. Nous dansions sans conviction, plus concentrés sur les parcelles de peau offertes à nos regards et les flirts potentiels que sur la musique. À cette époque, je ne savais pas qu'il s'agissait de paroles de rupture. Je ne savais pas encore ce qu'était une rupture.

Deep Inside. Glasgow, milieu des 90's. Le Sub Club baigne dans une ambiance enfumée au son d'une house entêtante et sexy. Les corps ruisselants s'effleurent, se touchent. À l'aube, il me semble reconnaître un clavier lointain, étouffé par les basses profondes et continues qui ondulent la nuit depuis des heures. Les basses s'estompent jusqu'à disparaître, Tainted Love résonne dans ce temple de l'underground. Le morceau est étiré sur plus de vingt minutes, le dancefloor chavire, les sourires sont immenses, les pupilles dilatées, peau contre peau, des baisers à pleine bouche, des traces de toi.

Non Stop Erotic Cabaret. Je retrouve Tainted Love sur l'album Non Stop Erotic Cabaret. C'est un album pop, sombre et subversif. Bande-son idéale d'un peep show « sordide sentimental », où désirs, fantasmes et tabous dansent derrière un miroir sans tain, de la gloire à l'obscurité. Le cabaret grandiloquent d'une mise à mort du biographique et de l'entrée dans la fiction de soi, dont Tainted Love serait le refrain cathartique. Côté clip, Mark Almond et Dave Ball en toge sur le mont Olympe, Marilyn Manson vampirisant une fête de lycée avec ses potes gothiques, un jeune homme en jean et t-shirt blanc qui danse seul dans sa chambre la nuit, un chanteur en incrustation dans les étoiles qui domine son lit... Des amours teintées de rose pale, de noir profond et de rouge sang.

Where Did Our Love Go ? Une salle de bal désertée. Des lustres, des corps fragmentés, des vêtements multiplient les effets de suspension. Des fantômes dansent sur ce hit de cœurs noirs et simulent un mysticisme sentimental. Les vies se croisent. Les œuvres posent. Le Sensible s'expose. L'exposition ne parle pas, l'image est fixe, le son coupé. L'intime, le secret, les alcôves et autres lieux de rencontre deviennent l’espace même d’une exhibition, d’un explicite.  Les bons sentiments et la morale permettent souvent l'accession au pouvoir des cyniques. Endosser des identités hybrides, réversibles et mouvantes ; faites de jeux, de masques, de travestissements, permet de garder entière sa liberté d'embrasser un réel scandaleux.

Commissariat : Yann Chevallier